Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« Le Cabaret Populaire à Montmartre... | Page d'accueil | Berlusconi et le pénis du Dieu Mars »

dimanche, 14 novembre 2010

Cherchez l'erreur...

 

P8030014.JPG

 

L'autre jour, je m'assois dans un train de banlieue derrière un couple qui échange un petit bisou.

Puis, l'homme, corpulent et métis afro-européen, ouvre un journal : "Le Monde Diplomatique".

La femme, fluette et de type asiatique, se met à feuilleter un magazine : "Voici".

Je suis aux aguets et j'attends avec impatience la teneur de leur conversation.

Mais le temps passe et rien ne vient...le couple reste plongé dans sa lecture respective.

Je me demande alors si je n'ai pas rêvé et s'ils sont bien ensemble.

Ou alors peut être est ce simplement un rite de voyage suburbain?

On s'embrasse, on lit chacun de son côté des revues aux antipodes l'une de l'autre, on s'embrasse à la fin et on ne se revoit plus jamais...

Le suspens monte d'un cran...j'attends le dénouement de l'histoire.

Car le terminus du train est bientôt en vue.

Un quart d'heure et j'aurai la solution de cette énigme qui n'aurait pas déplût au grand Sherlock si seulement il y avait crime en point d'orgue.

Mais qui sait ?

Le voyage n'est pas encore terminé.

Vais je devenir le témoin d'un meurtre passionnel? Ou une victime potentielle?

Nous sommes en effet seuls, le couple et moi, dans cette voiture à une heure tardive et tout est en place pour un huis clos dantesque entre des lecteurs, pervers psychopathes, et un banlieusard attardé, quidam parmi les quidams.

Dans la rubrique "faits divers" du journal "Le Parisien", je vois déjà dégouliner le titre sanguinolent d'un article choc "Les 3 cadavres du RER C : la Police s'interroge". Une source proche de l'enquête a révélé que l'origine du drame tiendrait à une dispute conjugale, sur fond de divergence littéraire chronique, qui aurait dégénéré suite à l'intervention d'un tiers un peu trop curieux. Un cure dent en plastique, une lime à ongles et un parapluie à pointe métallique et manche en ronce de noyer, tels que retrouvés sur les lieux, seraient les armes utilisées au cours de la bagarre d'une extrême violence ayant opposé les protagonistes et à laquelle aucun n'a survécu.

Ah, mon Diable! Un massacre orchestré au cure dent et à la lime à ongles, conclu à coups de pépins pour golfeur de compétition, tout ça donnerait presque froid dans le dos!

Mais ne délirons pas trop quand même et revenons à la réalité immédiate.

L'homme continuait à décrypter, attentivement et sans doute un peu laborieusement un article géopolitique consacré aux "Investissements en Afrique subsaharienne" : il y planchait depuis pas moins de vingt minutes. La femme, quant à elle, feuilletait distraitement mais d'un oeil visiblement amusé les pages imagées et colorées de son magazine à potins.

C'est alors que je me suis demandé si le couple, moins pervers que dans mes délires, n'avait pas tout bonnement interverti ses lectures habituelles, l'histoire de plaisanter quelque peu. Ceci aurait expliqué pourquoi l'homme, dévoreur assidu de presses à scandale, avait tant de mal à se dépêtrer des pages ardues du "Monde Diplomatique", tandis que la femme, férue d'articles de fond, se divertissait de la légèreté confondante et ridicule de "Voici".

Cependant, aucun échange entre eux ne venait corroborer cette hypothèse d'école et je commençais à douter de découvrir le fin mot de l'histoire d'autant que le train amorçait à présent son freinage à l'approche de la dernière gare desservie.

C'est alors que le couple interrompit sa lecture, rangea les ouvrages précités et, furtivement, s'embrassa pour la seconde fois sous mon nez. Regardant un instant leur reflets dans la vitre du wagon, un frisson me parcoura l'échine: l'homme tenait un parapluie de golf, la femme avait une lime à ongles à la main. Et moi, j'avais un cure dent à la bouche...

Mais la reconstitution de la scène hypothétique de crime s'arrêta là, ce qui me déçût dans un sens car je sentais se dessiner une fin en queue de poisson, un tout petit poisson... 

Je voyais juste!

Ils se levèrent alors et, sans un regard vers moi, ils descendirent sur le quai en s'éloignant, bras dessus bras dessous, sans échanger le moindre un mot.

Visiblement, ces deux là étaient aussi bien unis par leur proximité que par leurs différences.

Il n'y avait rien de plus à comprendre et nulle erreur à chercher.

Après "Voici", voilà.

Fin

En queue de tout petit poisson...


Les commentaires sont fermés.