Ô LUCIENNE, ELOGE A MAMIE...

ELOGE A LUCIENNE

(8 janvier 1919- 20 avril 2012)

 
LUCIENNE! C’EST EN CE PRINTEMPS PLUVIEUX QUE TU NOUS
QUITTES…IL Y A QUELQUES MOIS, TU AVAIS AMORCE TON DEPART
DOUCEMENT, A PETITS PAS, PRESQUE SUR LA POINTE DES PIEDS. TU AS
TOUJOURS SU ETRE PRECISE ET DISCRETE…

 
TU NOUS AS QUITTE QUAND TA MEMOIRE A COMMENCE A SE
PERDRE DANS DES MEANDRES SEULS CONNUS DE TOI. PEUT ETRE
RETOURNAIS-TU AUX SOURCES DE TON PASSE SI RICHE? CE PASSE QUE
TU AVAIS SU CULTIVER GRACE A TON DON INNE DU RECIT.

CE PASSE AU COEUR MEME DE TON EXISTENCE COMME UNE ARCANE
ESSENTIELLE, LE SOUFFLE DE TOUTE UNE VIE…

PARLER DE TOI, EVOQUER TON SOUVENIR ET CE PASSE ENFOUI,
JE VAIS M’Y RISQUER, A TITRE D HOMMAGE, BIEN SUR, UN HOMMAGE
SI MERITE, MAIS AUSSI PAR DEVOIR DE MEMOIRE POUR TENTER DE
CONTINUER A FAIRE VIVRE CE QUE TU ETAIS, CE QUE TU SERAS
TOUJOURS POUR NOUS.

 
SI JE DEVAIS RESUMER EN UN MOT TA PERSONNE, J’OSERAIS
ECRIRE QUE TU ECLAIRAIS TEL UN « PHARE DE BONTE »… COMME TU
ETAIS MA GRAND MERE, D’AUCUN PENSERONT QUE J ENJOLIVE UN
PEU. MAIS QUI POURRAIT PRETENDRE LE CONTRAIRE ?

 
TA VIE TOUTE ENTIERE, CHACUN DE TES GESTES ONT PLAIDE
DANS LE SENS DE CETTE BONNE VOLONTE ANIMANT LES BELLES AMES
MUES PAR CETTE VOLONTE CLAIRE DE FAIRE LE BIEN.

I. GENTILLE, TU L’ETAIS INTRINSEQUEMENT, PLEINE D AMOUR
ET DE COMPASSION. L ADJECTIF « GENTIL » EST AUJOURD HUI
GALVAUDE ET A PERDU SA FORCE PREMIERE, MAIS TU ETAIS UNE
« GENTILLE FEMME » COMME DE GRANDS ANCIENS FURENT DES
« GENTILHOMMES ». AVEC DELICATESSE, TACT ET HUMILITE…

 

D ABORD, FILLE DEVOUEE AU CHEVET D’UNE MERE MALADE,
PUIS, MERE AIMANTE DE SES QUATRE ENFANTS TOUT EN ETANT L
EPOUSE CONSTANTE DE NOTRE CHER ROGER, UN MARI PARFOIS
DIFFICILE, TU FUS ENFIN UNE GRAND MERE ET UNE ARRIERE GRAND
MERE ADMIRABLE POUR TES PETITS ET ARRIERE PETITS ENFANTS.

 
L’HISTOIRE RESUMEE A GROS TRAITS, CHACUN SAIT QU’ELLE NE
S’EST PAS DEROULEE COMME UN CONTE DE FEES. N’OUBLIONS PAS LA
RETICENCE DE TA BELLE FAMILLE A T’ACCUEILLIR EN SON SEIN…MAIS
TA BONTE MAGIQUE, Ô LUCIENNE, FIT MERVEILLES ET APRES UNE
PERIODE DE FROID DIPLOMATIQUE, LES MAGNAC T’OUVRIRENT LEURS
BRAS. N’OUBLIONS PAS NON PLUS L’EPREUVE DE LA GUERRE LES
PRIVATIONS ET L’ANGOISSE DE VIVRE AUPRES D’UN MARI RESISTANT.
TU FIS FACE A LA SITUATION ADMIRABLE ET ALTRUISTE HEBERGEANT
DES FAMILLES EXILEES EN ZONE LIBRE.

GENTILLE, TU L’ETAIS A L’EXTREME, COUVANT TES PROCHES
AVEC UNE TENDRESSE SANS BORNE. UNE FORCE PEUT DEVENIR UNE
FAIBLESSE ET ON SAIT TOUS LE MAL QU’ON AVAIT A QUITTER LE
HAVRE DE PAIX DU 22 BOULEVARD LAKANAL. ET COMBIEN IL EST
DIFFICILE DE TE DIRE ADIEU AUJOURD HUI. PEUT ETRE PARCE QU’AU
DELA DE LA GENTILLE LUCIENNE, IL Y AVAIT UNE AUTRE LUCIENNE,
LA PASSIONNEE.

 
II. PASSIONNEE EN AMOUR ET EN AMITIE.

 PASSIONNEE, D ABORD PAR L HOMME DE TA VIE, LE BEAU
ROGER FERNAND. QUE DE CHEMINS PARCOURUS ENSEMBLE DEPUIS
VOTRE PREMIERE RENCONTRE A UN BAL DE VILLAGE DONT TU NOUS
PARLAS SOUVENT : 68 ANS DE MARIAGE, 6 PETITS ENFANTS , 3
ARRIERES PETITS ENFANTS, D’AUTRES A VENIR EN 2012 ET APRES N’EN
DOUTONS PAS. NOUS SOMMES TOUS POUR LA PLUPART ICI LE FRUIT DE
CET AMOUR SI REMARQUABLE.

PASSIONNEE, TU L’ETAIS EGALEMENT A L EGARD DE TES AMIS
AVEC LESQUELS TU ENTRETENAIS CORRESPONDANCES ET VISITES
ASSIDUES. POUR EUX ET POUR NOUS, TON SENS DE L’HOSPITALITE
RESTERA LEGENDAIRE ET TES TALENTS DE CUISINIERE AUSSI. LA
ENCORE, TU RAYONNAIS D’UNE PURE GENEROSITE EN PROPOSANT UNE
GASTRONOMIE ANCREE PLUS QUE JAMAIS DANS LE TERROIR
PERIGOURDIN, QUE TU CHERISSAIS TANT, POUR LEQUEL TU SAVAIS
CHANTER, MEME EN PATOIS, ET A PROPOS DUQUEL TU AS SI BIEN
ECRIT.

PASSIONNEE ENCORE AU DELA, TU L’ETAIS PAR LA BEAUTE DES
CHOSES ET DES GENS. AMOUREUSE DE LA NATURE EN TOUTES
OCCASIONS, SOIGNANT TON JARDIN, ET LES FRUITS ET LES FLEURS,
PROMENANT SANS CESSE TON REGARD EMERVEILLE. SOIGNANT AUSSI
BIEN TES ANIMAUX, TOUTE UNE MENAGERIE DE CHIENS, DE CHATS,
COBAYES, LAPINS, POULES, TORTUE ET CES PETITS ETRES TE LE
RENDAIENT SI BIEN.

DE CES LIENS FORTS ET AUX GENS ET AUX CHOSES, DE TON
ESPRIT CONTEMPLATIF ET HUMANISTE DECOULERA L’AUTRE GRANDE
PASSION DE TA VIE : L’ECRITURE.

AMOUREUSE DES MOTS, Ô COMBIEN , TA PLUME A SU TRADUIRE
EN DETAILS L INTIMITE QUI T’UNISSAIT SI ETROITEMENT A LA VIE ET A
TOUT CE QUI RETENAIT TON ATTENTION SUR CETTE TERRE.
« REFLETS » TON RECUEIL POETIQUE, EST ET RESTERA UNE VERITABLE
SOMME DE TA MINUTIEUSE COMPLICITE AU MONDE ET LE
TEMOIGNAGE VIBRANT DE TA SENSIBILITE ESTHETIQUE. BIEN
EVIDEMMENT, TU DEMEURAIS DANS L’ADMIRATION ABSOLUE DU
GRAND VICTOR, TON MAITRE, MAIS TU EN FUS UNE DISCIPLE ASSIDUE.

AMOUREUSE DES COULEURS, ENSUITE, TU ABORDAS LA
PEINTURE ET TU AFFINAS PATIEMMENT TON ART JUSQU’A CE QUE TES
YEUX FINISSENT PAR TE TRAHIR. CE JARDIN SECRET, TU LE
DEVELOPPAIS EN CATIMINI TRES TOT LE MATIN DANS LE CALME ET A
L’ABRI DES EVENTUELLES RAILLERIES MARITALES. SANS DOUTE
APPRECIAIS-TU CE DETACHEMENT DU REEL A MOINS QUE CE NE SOIT
LA RECHERCHE DU REEL LUI-MÊME. SANS DOUTE TU RESSENTAIS
L’IMPERIEUSE NECESSITE DE TRANSCENDER CETTE REALITE POUR
T’ELEVER AU-DELA ET CELEBRER L’EXISTENCE, PASSIONNEMENT…

 
SOUVENT NOUS EUMES L’OCCASION D’ECHANGER SUR LE
MYSTERE DE L’INSPIRATION CREATRICE ET JE SUIS HEUREUX D’AVOIR
PU TE DEDIER UNE PROSE DECRIVANT LE BONHEUR DE L’ENFANCE
PASSEE A TES COTES. TU ME DEMANDAS SI SOUVENT DE TE LA LIRE
PUISQUE TU NE POUVAIS PLUS LE FAIRE TOI-MÊME.

 
ARDENTE LUCIENNE, CETTE ENFANCE QUI FILE SI VITE, ELLE NE
T’A JAMAIS QUITTE ET ELLE SURVIT ENCORE AUJOURD HUI AU DELA
DU TEMPS QUI S’EGRENNE ET DE LA FIN INEXORABLE QUI NOUS
ATTEND TOUS ICI BAS. NON LUCIENNE, LA MORT NE T’A PAS
DESARMEE. IL NOUS RESTE TES MOTS D’AMOUR EN HERITAGE POUR
CEUX ICI PRESENTS ET CEUX QUI VIENDRONT. PAR DELA NOTRE PEINE
DU JOUR, IL Y A TANT DE BONHEURS ET DE BEAUTE QUE TU NOUS
AS FAIT TOUCHER DU DOIGT. UN LIVRE DE 1.000 PAGES NE SUFFIRAIT
PAS A EN FAIRE L’INVENTAIRE.

 
ET TOI QUI CROYAIT AVEC UNE VERITABLE FERVEUR EN JESUS,
TOI QUI EN ETAIS UNE HUMBLE PETITE MAIN EN FAISANT LE BIEN A TA
MESURE, ON NE PEUT QUE L’IMAGINER TE RECEVOIR LES BRAS
GRANDS OUVERTS EN SON PARADIS D’ETERNITE.


MAIS SURTOUT, POUR NOUS TOUS ET EN TOUS CAS POUR MOI, IL
Y A COMME UNE CERTITUDE. DANS CET AUTRE MONDE, REFLET DE
CELUI QUI TU QUITTES, NOUS TE VOYONS DEJA AVANCER GRACILE ET
COQUETTE POUR REJOINDRE LE PAYS DE TON ENFANCE, DANS LA
VIEILLE RUE DU CLOS CHASSAING DONT LE SOUVENIR DEMEURE
INTACT A TRAVERS TON SOUFFLE POETIQUE ET NOUS TE VOYONS
TOUS TE PROMENER AU MILIEU D’UN JARDIN COUVERTS DE
PASSIFLORES MULTICOLORES ET SOUS LES ABRICOTIERS FLEURIS.


EST-CE UN HASARD LUCIENNE SI L AIR MATINAL LAISSE PLANER
UN DELICIEUX PARFUM DE CORNUELLES ET DE TOURTES CUITES AU
FEU DE BOIS?


TU N’ES PAS PARTIE SI LOIN, LUCIENNE, TU NOUS CHUCHOTES
ENCORE DES SONNETS A L OREILLE ET TA SAGESSE SURVIVRA.

 
ET EST-CE UN HASARD, MAMIE, SI DANS CE BEAU JARDIN UN
GRAND MONSIEUR A CASQUETTE SE TIENT FIEREMENT LA ET QU’IL TE
PREND LA MAIN?


POUR NOUS TOUS, VOUS RESTEREZ VIVANTS ET UNIS SOUS LES
ABRICOTIERS EN FLEURS, INSEPARABLES POUR L ETERNITE…

ET AU-DELA DE NOS PLEURS, CELA ME REND GAI ET JE SAIS,
LUCIENNE, QUE C EST CE QUE TU AURAIS VOULU…