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samedi, 24 février 2007

DES MANNEQUINS

 

1)

Antony s’accroche au volant de son coupé sport,

L’A 1 lui sert de tremplin avant l’aéroport…

A ses côtés, la belle Eléonore décroise ses jambes

Gainées de soie et cousues d’or,

Tandis que, plus au Nord, sur une aire de parking

Couché dans la cabine de son vieux trente trois tonnes

Valentin, le routier sympa, termine sa nuit de routine

Il sommeille encore,

 

2)

Dans le bolide, à l’abri de ses lunettes noires

Eléonore ne peut s’empêcher de pleurnicher,

Elle essaie de cacher ses yeux tous délavés

Pour qu’Antony ne l’engueule pas une fois de plus.

Valentin lui s’éveille, émergeant d’un cauchemar

Il vient de voir sa femme sombrer dans un trou noir

Les toubibs lui ont dit qu’elle était condamnée

Mais, comme tout le monde ici-bas, il veut y croire encore…

 

3)

Eléonore a fini par s’arrêter de pleurer

Son réservoir de larmes s’est en fait épuisé

Elle maudit alors ce métier qui la rend esclave

Des voyages et des défilés…elle qui aimerait tant se défiler.

Mais Tony lui répond que tous les mannequins

Sont des modèles de fesses ou des modèles de seins

La rançon du succès consiste à voyager

Avant qu’existe un jour des tops-models de vie privée

 

4)

Valentin grille une clope et revoit son trajet…

Les trente dernières années, il était sur la route

A sillonner l’Europe, à creuser le fossé

Entre lui et sa femme ; pourtant, ils s’aiment encore

Mais avec ce cancer qui la ronge en silence

Il se dit qu’il est temps pour lui de bifurquer

Et d’aller la rejoindre pour être à son chevet :

Le voilà convaincu d’abandonner la route

 

5)

Tony a fait un stop dans une station-service

Le réservoir de son bolide s’est en fait épuisé

Dehors, sous le ciel de septembre,

Les routiers sortent de leurs camions d’un pas pressé

De l’engin le plus proche de la voiture de sport,

Un petit homme ventru parvient à s’extirper

Il a l’air fatigué, le visage mal rasé

En compagnie des autres, il se dirige vers le café

 

6)

De l’extérieur, on aperçoit au fond de sa cabine

Les posters affichés de donzelles dévêtues,

Leurs regards ingénus fascinent Eléonore,

Elle ressent là une impression de déjà vu…

La Belle est en effet sortie de la voiture

Pour dégourdir ses jambes, faute d’hûmer de l’air pur

La tôle métallisée lui reflète sa figure :

Elle ferait mieux d’aller se refaire une beauté

 

 

7)

De son pas de gazelle, léger, presque aérien

Elle emboite le pas d’un routier attardé

Dans l’espoir de trouver, un peu comme par miracle,

Un miroir épargné dans les w-c

Mais le routier perdu au fond de ses pensées,

N’a pas vu la princesse le suivre comme une ombre

Il entre, en titubant, dans la caféteria

Le regard vide et les yeux encore embués

 

8)

Ses collègues, au comptoir, l’appelent le " Manneken "

Comme le petit bonhomme qui urine sans arrêt,

Et puis ce surnom rime aussi avec la marque d’une bière

Qu’il engloutit par litres quand il ne travaille pas,

 

Les routiers parlent fort autour du " Manneken "

Ils avalent en riant des tasses de café noir

Tandis qu’Eléonore se faufile, discrète,

Jusqu’aux toilettes pour se remaquiller

 

9)

La plupart des routiers l’ont pourtant repérée

Et l’ont bien sûr sifflé en se tournant vers elle

Sauf Valentin qui lui n’a pas le coeur à rire

Et qui, sans faire exprès, suit la trace de la Belle

Devant la glace intacte des sanitaires pour dames

Eléonore ferme les yeux pour pleurer à nouveau

Elle sait que, pour les hommes, elle n’est qu’un bel objet :

Une paire de jolies jambes et une croupe excitante

 

 

Pré-refrain 1 :

Devant la glace intacte des toilettes impeccables

Eléonore ouvre les yeux et se prend à rêver

Elle n’habiterait plus dans ce corps trop parfait

Elle serait plus qu’un fantasme sur papier glacé

Elle mesurerait moins que son mètre quatre-vingt un

Elle n’existerait plus sous cette forme de mannequin…

 

Pré-refrain 2 :

De l’autre côté du miroir dans les w-c pour hommes,

Valentin, le routier, la rejoint dans son rêve

Devant la glace fendue des toilettes négligées

Il n’existerait plus sous cette forme de " Manneken ".

 

Refrain :

A la place où les mannequins pissent,

Des larmes sur leurs joues glissent

A la place où les mannequins pissent,

Des larmes sur leurs joues lisses

Sur leurs joues tristes.

 

Petit mannequin

Grand mannequin

Petit mannequin au masculin

Grand mannequin au féminin.